Ce que devient un enfant dans un monde qui n’a pas changé : langue, pouvoir et continuité des rapports de force
- Institut Saint esprit
- 7 déc.
- 5 min de lecture
On aime à dire à nos enfants que “le monde change”, que “tout va vite”, que “rien n’est plus comme avant”. Sur le plan des techniques, des écrans, des usages quotidiens, c’est indéniable.
Mais si l’on regarde les choses à un niveau plus profond, un autre constat s’impose :
les rapports de force fondamentaux qui structurent le monde n’ont pas changé.Seules les formes se renouvellent.
Ceux que l’on écoute, ceux qui décident, ceux qui orientent, dans la vie publique comme dans la vie économique, sont presque toujours ceux qui savent manier la langue, lire le réel, et se faire comprendre au bon niveau.
Ce constat n’est ni cynique ni grandiloquent. Il est simplement réaliste.Et il devrait peser, silencieusement mais fortement, dans les décisions que prennent des parents pour la formation de leurs enfants.
Le monde adulte n’est pas un espace neutre
Dans la cour de récréation, un enfant sent déjà que tout n’est pas égal : il y a des alliances, des influences, des manières de peser sur les autres.À l’âge adulte, les choses ne deviennent pas plus simples ; elles deviennent simplement plus sophistiquées.
Dans les entreprises, les administrations, les universités, les organisations internationales, on retrouve toujours le même jeu :
certains parlent, écrivent, décident ;
d’autres exécutent, subissent ou tentent de suivre.
Ce n’est pas seulement une affaire de diplômes. C’est une question de position dans le langage :ceux qui maîtrisent la langue – la leur et souvent plusieurs autres – occupent un autre plan de jeu que ceux qui la subissent.
Politiques et diplomates : une même grammaire du pouvoir
Si l’on observe, par exemple, la vie politique de haut niveau ou les relations internationales, une chose frappe : le cœur des décisions se joue dans un univers de textes et de discours :
projets de loi, amendements, accords, communiqués, notes, rapports, câbles diplomatiques, traités…
déclarations officielles, conférences de presse, interventions publiques soigneusement pesées.
Derrière chaque phrase visible se trouvent des heures d’écriture, de réécriture, de négociation sur des formulations parfois minimes en apparence : un adverbe ajouté, un adjectif retiré, une tournure assouplie.
Ceux qui, dans ces milieux, tiennent réellement la barre sont rarement ceux qui parlent le plus fort. Ce sont ceux qui savent lire les textes, voir ce que recouvre une formulation et peser leurs propres mots.
De grands changements historiques ont parfois reposé sur une phrase légèrement modifiée dans un accord, sur une formulation ambiguë volontairement maintenue, sur une déclaration publique soigneusement calibrée.Rien de tout cela n’est accessible à quelqu’un qui se sent en permanence mal à l’aise devant un texte.
Le même monde, sous d’autres lumières
On peut changer les noms des institutions, les outils, les canaux de communication ; ce mécanisme demeure.Hier, il fallait comprendre un traité rédigé en latin ou en français classique ; aujourd’hui, il faut savoir lire un accord international en anglais juridique ou un rapport stratégique dense.
La structure, pourtant, reste la même :
le monde se règle par des textes que peu lisent vraiment ;
se joue dans des réunions où l’on observe celui qui maîtrise à la fois le fond et la forme ;
se cristallise dans des écrits qui engagent, parfois pour des années.
Un enfant qui grandit sans être à l’aise dans la langue écrite – sans pouvoir lire, relire, comprendre et s’exprimer de manière sûre – se condamne à rester à la périphérie de ces espaces, quels que soient par ailleurs ses talents.
L’adulte qui ne se sent jamais tout à fait “légitime” dans la langue
Beaucoup d’adultes vivent avec ce malaise latent :
ils savent ce qu’ils pensent, mais n’osent pas toujours l’écrire ;
ils pressentent ce qu’il faudrait dire, mais redoutent de “mal le formuler” ;
ils adaptent sans cesse leurs ambitions à ce qu’ils croient être leur “niveau de français”.
Cela ne se traduit pas forcément par des catastrophes visibles.Cela se lit dans des renoncements silencieux : un poste non demandé, une responsabilité refusée, un examen évité, un projet remis à plus tard.
En face, d’autres, parfois moins compétents sur le fond, avancent davantage parce qu’ils se sentent à l’aise dans l’univers des mots. Ils rédigent, argumentent, composent des dossiers, prennent la parole. Le monde, ensuite, réagit à ce qui est formulé, non à ce qui reste tu.
Une constante à travers les époques
Que l’on considère un débat parlementaire du XIXᵉ siècle ou une séance contemporaine d’un conseil d’administration multinational, le décor change, les costumes changent, les écrans apparaissent.
Mais on retrouve toujours la même scène :
des textes à lire et à interpréter ;
des positions à défendre avec des arguments ;
des décisions formalisées sous forme de phrases.
“Rien de nouveau sous le soleil” : le vocabulaire change, la langue dominante change parfois, les outils changent. Mais l’avantage décisif reste à ceux qui maîtrisent la grammaire cachée de cet univers : la structure du discours, la précision du mot, la capacité à tenir une pensée jusqu’au bout d’une phrase.
Ce que vous donnez à votre enfant en travaillant sérieusement le français écrit
Former un enfant à la langue écrite, de manière structurée, patiente, exigeante, ce n’est pas seulement lui éviter quelques fautes.
C’est lui donner, à terme :
la possibilité de lire des textes complexes sans se laisser impressionner ;
la capacité de rédiger des écrits qui pèsent, plutôt que des formulations hésitantes ;
la liberté de prendre place dans des espaces où tout se joue à travers des documents, des rapports, des échanges écrits.
Dans un monde où les apparences se renouvellent sans cesse, mais où les rapports de force restent fondamentalement identiques, la langue devient l’un des rares leviers réellement transmissibles :ce que vous lui aurez appris à tenir à la main, dans la phrase, l’accompagnera partout.
Le choix d’un curriculum plutôt qu’une succession d’aides
Face à cela, la manière dont un parent conçoit le “soutien scolaire” en français prend un autre relief.
On peut multiplier les aides ponctuelles, les applications, les sessions d’urgence avant un examen. Ou bien l’on peut choisir d’inscrire son enfant dans un parcours cohérent, où l’écriture manuscrite, la grammaire, la rédaction et la relecture se travaillent dans la durée.
Le Polymathe s’inscrit dans cette seconde logique :
un programme annuel clairement structuré ;
un travail manuscrit régulier ;
un corpus de textes solides ;
des corrections qui forment progressivement le jugement.
Rien de spectaculaire, là encore ; simplement l’idée suivante :si le monde ne change pas dans sa structure profonde, alors il vaut la peine de donner à un enfant ce qui lui permettra, demain, de s’y tenir debout, sans être écarté faute de langue.
Dans quelques décennies, les outils auront changé, les plateformes d’information auront disparu, d’autres auront pris leur place.Mais un adulte qui aura appris, entre 8 et 15 ans, à lire réellement un texte et à écrire une phrase qui se tient ne sera jamais complètement désarmé.
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